L’Arménie a décerné son Choix Goncourt

C’est dans le petit café/restaurant “Charles” situé près du monument Cascade à Erevan que le nom de Gaël Faye a résonné. C’est donc son roman “Jacaranda” qui a ravi les cœurs du jury arménien.

“Ce genre de concours met la lumière sur une diversité de thèmes. Cela permet de découvrir des histoires et des sujets qui sont parfois peu accessibles ou méconnus ici en Arménie,” explique Christine Grigoryan, jeune membre du jury et étudiante à l’université d’Etat d’Erevan.

Le Choix Goncourt édition arménienne a vu le jour à l’initiative de l’Institut français d’Arménie et de l’Université française en Arménie, avec le soutien de l’Ambassade France en Arménie.

Si le Goncourt n’a plus besoin de présentation dans le monde francophone, il est une nouveauté pour l’Arménie. Le prestigieux prix littéraire français est décerné chaque année depuis 1903 au meilleur livre de fiction en expression française.

“Et tout comme chaque année depuis 1903, un jury de 10 auteurs de renom élit le livre de l’année, le jury composé de 30 étudiants d’Arménie a voté pour son Choix Goncourt dans les mêmes conditions,” dit l’Ambassadeur de France, Olivier Decottignies.

Jacaranda, la douleur du génocide partagée

“Jacaranda” est un roman que certains qualifient de dur mais d’autres de profond. Au fil des pages, le lecteur suit Milan, un jeune homme franco-rwandais, dans son voyage à la découverte de ses racines et de son histoire familiale. L’enfance de Milan est marquée par le poids du silence de sa mère sur le génocide rwandais, le jeune homme decide de se rendre sur la terre maternelle pour comprendre les événements tragiques qui ont façonné son héritage. Comment pardonner l’impardonnable et se reconstruction après les horreurs du génocide?

“Il y a tant de douleur dans Jacaranda qu’on ne peut s’empêcher de l’associer à notre réalité arménienne. Je connaissais très peu de choses du Rwanda. J’ai appris beaucoup en lisant ce livre,” dit Christine Grigoryan.

Pour l’Ambassadeur de France, Olivier Decottignies, le choix du jury arménien n’est guère surprenant:

“Le fait que la trame de Jacaranda soit le genocide des Tutsis n’est pas etranger au choix en Arménie. Parce qu’il y a quelque chose qui résonne avec l’expérience historique des Arméniens.”

La notion de “génocide” est “ancrée dans l’ADN des Arméniens”, selon Artak Aleksanyan, directeur de “Newmag”. La maison d’édition arménienne est partenaire de l’initiative et traduira le roman en arménien.

“Le fait que le Rwanda ait vécu un genocide nous rapproche, car nos deux peuples sont porteurs d’un traumatisme collectif. Mais au-delà de ça, le fait que Gaël Faye soit une figure populaire dans la francophonie, qu’il soit jeune et adopte un style d’écriture plus moderne, plus direct est aussi un bon indicateur pour aller vers une démarche de traduction. Les ventes seront, à mon avis, prometteuses,” ajoute l’éditeur.

Un projet pérenne

Daniel Danielyan, le ministre adjoint du Ministère de l’Education, des sciences, de la culture et du sport a rappelé que la littérature n’a pas de frontière et a pour vocation d’unir les peuples, aussi différents qu’ils soient:

“Je suis heureux que notre jeunesse lise de la littérature de grande qualité et dans sa langue originelle. Je suis heureux de voir une jeunesse qui ne s’est pas isolée mais qui est connectée avec le monde extérieur. Je suis persuadé que les jeunes ont des points communs, quel que soit leur pays d’origine. Les connaissances sont la garantie de tout succès. Et on trouve la connaissance dans les livres.”

C’est finalement autour de discussions animées, quelques hors-d’œuvre et d’un verre de champagne que s’est achevé l’événement.

Avec cette première édition, l’Arménie est devenue le 39 ème pays à organiser son “Choix Goncourt”. Le projet promet de revoir le jour l’année prochaine, avec une nouvelle sélection de livres, plus fascinants les uns que les autres.

Par Ani Paitjan

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