L’accord sur la délimitation de la frontière avec l’Azerbaïdjan suscite des protestations en Arménie – Explication

Auteur: Paul Sookiasyan

Traduction: Ani Paitjan

Plus tôt ce mois-ci, l’Arménie a officiellement lancé pour la première fois un processus longtemps retardé. Celui-ci vise à délimiter ou à définir légalement une section de sa frontière avec l’Azerbaïdjan. Cette décision a déclenché des protestations continues à travers le pays.

Ce processus devrait impliquer qu’Erevan remette à Bakou quatre villages abandonnés le long de la frontière entre la région de Tavush, au nord-est de l’Arménie, et le district de Qazax, au nord-ouest de l’Azerbaïdjan.

Région du Tavush, Arménie

Cette annonce a suscité de vives protestations dans les communautés voisines de Kirants et Voskepar. Là, de nombreux habitants bloquent l’une des principales autoroutes du pays. Ils craignent d’être forcés de quitter leur domicile si l’Azerbaïdjan prend le contrôle de leurs terres. Certaines terres se trouvent à seulement quelques dizaines de mètres de leur domicile.

Au cours des deux dernières semaines, les habitants des villages voisins ont bloqué à plusieurs reprises les routes de la région dans le but de perturber le processus de délimitation. Le village de Kirants, par exemple, est déjà à portée de tir de l’Azerbaïdjan. Mais cet accord amènerait les gardes-frontières azerbaïdjanais aux abords du village.

Comme l’a déclaré Andranik Nazaryan, un habitant de Kirants, à CivilNet, la frontière se rapprocherait de l’école nouvellement construite du village. Et même une partie du cimetière du village tomberait sous le contrôle de l’Azerbaïdjan.

L’ancien résident Gevorg Simonyan a déclaré que la maison de ses parents se trouve de l’autre côté de la frontière et qu’elle sera probablement perdue. Simonyan a déclaré que la délimitation entraînerait de grandes difficultés non seulement pour sa famille, mais pour tout le village.

Rose : Sections de la frontière soviétique actuellement en cours de délimitation Orange : Les frontières de l’ère soviétique qui ne sont pas encore délimitées Jaune : Villages arméniens Rouge : Les villages azerbaïdjanais contrôlés par l’Arménie qui devraient être rendus Source : Armenpress

Comment tout cela a commencé?

Le 19 avril, la commission conjointe des frontières entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, créée après la guerre du Haut-Karabakh de 2020, a déclaré avoir conclu un accord préliminaire pour reconnaître les frontières administratives de l’ère soviétique comme frontières internationales. Elle a également ajouté avoir officiellement lancé un processus de délimitation de la frontière entre Tavush et Gazakh.

En pratique, cela signifierait que l’Arménie remettrait à l’Azerbaïdjan quatre villages situés le long de la frontière nord-est, qui appartenaient à l’Azerbaïdjan soviétique mais qui étaient passés sous le contrôle de l’Arménie après l’indépendance en 1991. Le mois dernier, le chef de la délégation azerbaïdjanaise auprès de la commission des frontières a exigé qu’ils soient cédés « immédiatement ».

Au cours des deux dernières semaines, les deux parties ont travaillé pour déterminer la frontière exacte sur le terrain, sur la base de mesures géodésiques, avec une date limite fixée au 15 mai. Lundi, l’Arménie et l’Azerbaïdjan avaient établi conjointement 35 postes frontières entre Tavush et Qazax, même si aucun territoire n’a encore été cédé.

La frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan n’a jamais été délimitée car il s’agissait initialement d’une frontière administrative soviétique interne et n’avait donc pas besoin d’être formellement définie. Les cartographes soviétiques ont largement tracé les frontières selon des lignes ethniques, ce qui impliquait souvent la formation d’enclaves et d’exclaves dans des zones à population mixte, obligeant parfois des projets d’infrastructures clés à croiser les frontières.

Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, des combats ont éclaté non seulement au Haut-Karabakh, mais aussi entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Notamment le long de la frontière entre Tavush et Qazax. Au cours de cette guerre, l’Arménie a pris le contrôle de quatre villages frontaliers azerbaïdjanais dans cette zone, obligeant leurs habitants à fuir. Depuis, les villages sont à l’abandon et en état de ruines.

Au stade actuel du processus de délimitation, seule l’Arménie abandonne le territoire qu’elle contrôle. Et cela, bien que l’Azerbaïdjan occupe au moins 134 kilomètres carrés de territoire en Arménie, selon une estimation de CivilNet, y compris des parcelles de terrain à Tavush. Cela est largement considéré en Arménie comme une concession unilatérale, sans aucune garantie que l’Azerbaïdjan rendra la pareille.

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