Jean-Luc Mélenchon en Arménie: se rappeler du génocide arménien pour dénoncer les conflits actuels

Les députés de la France insoumise déposent une gerbe de fleurs devant le mémorial de Tsitsernakaberd

Par Pierre Sinoir

A l’occasion de la 109ème année de commémoration du génocide des Arméniens, Jean-Luc Mélenchon, figure principale du parti de la France insoumise, et son camarade Sébastien Delogu, député des Bouches-du-Rhône d’origine arménienne, s’étaient déplacés à Erevan la semaine du 22 avril afin d’honorer la mémoire des victimes. De Tsitsenakaberd au parc Missak Manouchian en passant par le cimetière de Yerablur, Jean-Luc Mélenchon a souligné la nécessité pour tous de reconnaître le génocide arménien. Selon lui, “ Par son atrocité, le génocide rappelle à chaque individu le besoin d’une prise de conscience universelle dans un monde où la guerre ne cesse de s’amplifier.”

«Le modèle génocidaire arménien est la matrice des génocides qui suivent ensuite»

Au cours de son déplacement, l’élu insoumis a tenu une conférence à l’Université française d’Arménie, le 26 avril. Le thème de la conférence s’intitulait« Nouveau monde, nouvelle humanité, nouveau peuple ». Le politicien y présentait son ouvrage « Faites-mieux ! ». En présence des étudiants de l’UFAR, il a évoqué les différents sujets abordés dans son livre tout en terminant son discours sur la situation en Arménie et l’oppression que le pays a subi dans son histoire.

«Le modèle génocidaire arménien est la matrice des génocides qui suivent ensuite,» a-t-il expliqué pendant la conférence. Faisant le parallèle avec les massacres actuels à Gaza et le récent nettoyage ethnique du Haut-Karabagh, il a rappelé qu’il ne fallait pas oublier qu’entre 1915 et 1923, près d’un million et demi de personnes ont été les victimes d’actes génocidaires d’une grande ampleur, rappelant l’absurdité et l’horreur des crimes contre l’humanité.

Selon le député, il était donc important pour lui de « venir commémorer le génocide arménien, au moment où un autre est en train d’être commis au Proche-Orient ».

Discours de Jean-Luc Mélenchon le vendredi 26 avril dans un bâtiment de l’UFAR, à droite le député insoumis Sébastien Delogu.

Des rapprochements qui sont également mentionnés sur la scène géopolitique, comme en témoigne le chercheur non-résident Armenak Tokmajyan, membre du centre Malcolm H. Kerr Carnegie pour le Moyen-Orient à Beyrouth, et spécialiste sur les frontières et les conflits. En effet, mardi 23 avril, lors d’une conférence organisée par l’association Armenia Project au Best Western Plus Congress Hotel, celui-ci évoquait les différents mécanismes d’oppressions qui liaient le nettoyage ethnique du Haut-Karabagh, les réfugiés de Syrie et la situation actuelle à Gaza. Il y décrit les mêmes outils de reproduction d’exclusion de la population de son territoire, sur la base de blocus, d’arrêt d’approvisionnement en eau et en électricité, sans bien sûr assurer un droit de retour. « No people, no problems », tels sont les termes utilisés par le chercheur pour évoquer la politique menée par Israël et l’Azerbaïdjan. Selon ses explications, les deux pays utilisent le déplacement forcé comme mode de gestion des conflits en dépit du droit international.

La conférence de Armenak Tokmajyan sur la gestion autoritaire des conflits par Israël, Azerbaïdjan, et la Syrie au Best Western Plus Congress Hotel.

« Sur les pas de Jean Jaurès »

Le 3 novembre 1896, devant la tribune de l’assemblée nationale en France, le jeune député socialiste Jean Jaurès, s’appuyant sur des rapports de consuls et vices-consuls français présents au sein de l’Empire Ottoman, dénonce les massacres commis par les souverains ottomans contre les hamidiens. Écœuré par la barbarie des crimes, il s’indigne également face au silence du gouvernement français, qui, depuis des années, par son attitude passive vis-à-vis des exactions du sultan Abdülhamid II, a participé à nourrir ces massacres. « Les puissances européennes ont failli, elles ont été incapables de s’opposer ou même de réagir aux grands massacres. Par leur passivité, elles ont rendu possible leur répétition et leur extension », a-t-il prononcé devant l’assemblée.

Durant sa conférence, Jean-Luc Mélenchon est revenu sur ce discours, citant être arrivé en Arménie « sur les pas de Jean Jaurès ». Bien que le député de la France insoumise ne soit pas penché sur la question des Arméniens autant que l’était Jean Jaurès, il met en avant le caractère singulier de ce dernier. Par sa position humaniste, Jaurès bénéficiait d’une compréhension globale du fonctionnement des sociétés humaines. En particulier dans le cas où en laissant le pouvoir à un État oppresseur d’agir sans contrainte, sous le silence de la communauté internationale, alors ce même État ne renonce jamais à reproduire cette violence, voire de l’aggraver. Tel était le cas en 1915, et comme ça l’est encore aujourd’hui.

La nuit du 22 avril, un drapeau de l’Artsakh est brandit devant le mémorial de Tsitsernakaberd

Par ailleurs, si Jean-Luc Mélenchon préfère se tenir à l’écart du rôle qu’il devrait avoir à jouer pour l’Arménie, se positionnant comme étranger dans ce conflit tout en réclamant le respect mutuel des frontières, il reste néanmoins critique sur l’attitude de l’union européenne. Car, bien que soutenant l’Arménie, de nombreux pays membres de l’Union européenne achètent du gaz à l’Azerbaïdjan. Cette situation découle en partie des sanctions économiques maintenues contre la Russie depuis la guerre en Ukraine, incitant ces pays à diversifier leurs sources d’approvisionnement énergétique. Pour le député insoumis, cela constitue un deux poids deux mesures important.

Retrouvez ici le communiqué de Jean-Luc Mélenchon à propos de sa visite en Arménie.

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